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L’importance des BRICS ne se dément pas

 
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Les dirigeants du Brésil, de la Russie, d’Inde, de la Chine et d’Afrique du Sud (de gauche à droite).

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Conversation

Depuis des années, les médias occidentaux qualifient la coalition des BRICS – le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud – d’aberration, voire de menace. Lorsque le Brésil et la Russie sont entrés en récession et, plus récemment, quand la croissance chinoise a ralenti, les observateurs américains ont donc prédit la disparition rapide de cette initiative.

Ils se trompaient. Les 15 et 16 octobre à Goa (Inde), les chefs d’État et de gouvernement des pays concernés se sont réunis pour un 8ᵉ sommet qui montre que cette coalition est non seulement toujours d’actualité, mais qu’elle est plus active que jamais.

Vers une coopération renforcée

Le groupe a commencé à institutionnaliser sa démarche, avec des réunions ministérielles régulières dans des domaines aussi divers que l’éducation, la santé ou la défense, des rencontres fréquentes entre les présidents des BRICS et les ministres d’autres pays, sans oublier la création d’une banque du développement, établie à Shanghai, et d’une réserve d’arrangement assurant des liquidités aux autres membres de la coalition en cas de crise économique.

Certains observateurs avaient jugé que l’alternance politique au Brésil – où la procédure de destitution de Dilma Rousseff a contraint le Parti des Travailleurs, membre de la coalition de centre-gauche, à céder le pouvoir au gouvernement centre-droit de Michel Temer – conduirait le pays à prendre ses distances avec les autres membres des BRICS. Mais Michel Temer, qui parle de la coalition des BRICS en termes élogieux, s’est rendu deux fois en Asie au cours des premiers mois de son mandat.

Les pays des BRICS ont mis de côté leurs différences pour définir une politique commune. Lors du sommet de Goa, ils ont entériné la création de leur propre agence de notation, estimant que les agences existantes – Moody’s, Standard and Poor’s et Fitch – étaient biaisées vis-à-vis des sociétés occidentales.

Pourquoi les BRICS ne sont pas près de disparaître

L’avenir de la coalition des BRICS repose sur quatre éléments fondamentaux.

D’abord, et bien que la baisse de la croissance chinoise fasse actuellement les gros titres des journaux, l’ascendance des puissances émergentes, observable dans le monde entier, n’a rien de temporaire. Comme le soulignait récemment Jim O’Neill, inventeur de l’acronyme BRIC en 2001 (avant que l’Afrique du Sud n’intègre la coalition en 2010) :

« Il serait naïf de croire que l’importance des BRICS est exagérée. Les économies combinées des quatre membres originaux du BRIC correspondent à peu près aux prévisions que j’avais formulées il y a fort longtemps. »

Deuxièmement, les membres de la coalition retirent des bénéfices importants de cette initiative, car elle permet aux décideurs de faire entendre leur voix. Ces pays, qui font face aux mêmes défis en matière d’urbanisme, de contre-terrorisme, de gestion des eaux, de coordination des politiques communes et d’enseignement supérieur, n’avaient jusqu’alors que peu de moyens de communiquer entre eux.

Aujourd’hui, les experts peuvent se réunir régulièrement dans des groupes de travail, et la Nouvelle Banque de développement aide à coordonner les discussions autour des méthodes économiques les plus efficaces.

On peut aussi envisager la coalition comme une première étape dans l’intégration de pays autrefois très éloignés les uns des autres. Les membres des BRICS, qui coordonnaient rarement leurs actions dans les réunions multilatérales – comme celles des Nations unies ou du Fonds monétaire international –, se mettent aujourd’hui d’accord avant le vote des résolutions.

Au vu du peu de rapports qu’entretenaient par le passé le Brésil et l’Inde, par exemple, l’importance de cette coordination ne doit pas être sous-estimée.

Des désaccords réels

Troisièmement, la place prépondérante des Occidentaux dans les affaires internationales est si profondément ancrée dans les mentalités qu’on la trouve aujourd’hui presque naturelle. Ceci nous empêche d’évaluer de manière objective les conséquences de son déclin. À l’avenir, les puissances émergentes continueront à assumer davantage de responsabilités, sans demander l’avis de leurs collègues occidentaux.

Les investissements chinois en Afrique et en Amérique latine, la montée en puissance de l’armée indienne et les tentatives avortées du Brésil pour négocier un accord nucléaire avec l’Iran quand Luiz Inácio Lula da Silva était au pouvoir ne sont que quelques-uns des exemples de cette nouvelle réalité multipolaire.

L’influence grandissante des BRICS n’a rien à voir avec une quelconque tentative de renverser l’ordre établi. Au contraire, la Chine, l’Inde et les autres membres de la coalition sont résolument attachés aux institutions, et notamment aux Nations unies. Mais Beijing, Delhi et Brasília sont convaincus que ces institutions n’ont pas su s’adapter au nouveau contexte international, et qu’elles refusent d’accorder plus de latitude et de pouvoir aux pays émergents.

Ainsi, en dépit de promesses, réitérées depuis des années, visant à privilégier davantage le mérite dans le choix des dirigeants des institutions internationales, le président de la Banque mondiale est Américain, et le FMI est toujours dirigé par un(e) Européen(ne).

Les désaccords entre les membres des BRICS sont certes bien réels : le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud sont des démocraties, alors que la Chine et la Russie sont des régimes autoritaires. Le Brésil et la Russie exportent des marchandises ; la Chine en importe. Le Brésil et l’Inde souhaitent devenir membres permanents du Conseil de sécurité, mais ils n’ont obtenu ni le soutien de la Chine, ni celui de la Russie.

Des obstacles surmontables

Néanmoins, il serait naïf de croire que ces différends empêchent toute coopération. Prenons le cas de l’Europe : même si les législateurs italiens s’opposent à la demande de l’Allemagne de devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, les deux pays continuent de s’entendre sur différents domaines. La Turquie a par ailleurs joué un rôle de premier plan au sein de l’OTAN, bien que ce pays ne soit pas une démocratie.

Les tensions entre membres des BRICS pourraient même accroître l’importance des réunions annuelles, car elles permettent la résolution de problèmes persistants.

Comme le disait en privé un conseiller du gouvernement russe avant le sommet de Goa :

« Même si les sommets des BRICS ne permettent d’arracher qu’une seule chose dans les dix prochaines années dans le domaine de la réduction du risque de conflits potentiels entre l’Inde et la Chine, nous aurons réussi. »

Pour les délégués brésiliens et sud-africains, ces réunions sont aussi l’occasion rêvée de s’adresser directement aux principaux législateurs et bureaucrates russes, indiens et chinois – ce qui peut rapporter gros dans un contexte de montée en puissance du continent asiatique.

En conclusion, la coalition des BRICS ne disparaîtra pas de sitôt. Pour les puissances occidentales, la transition vers une véritable multipolarité – où les nations en développement s’entendront sur des mesures économiques, mais aussi militaires, mondiales, et où elles définiront leur propre calendrier d’action – ne se fera pas sans heurts.

Mais un monde dirigé par les BRICS pourrait finir par être plus démocratique que jamais. En introduisant un véritable dialogue et en diffusant les savoirs à une plus grande échelle, nous pourrons trouver des solutions plus inventives et efficaces pour résoudre les problèmes planétaires auxquels nous serons confrontés.

Lire aussi:

El temor hacia un mundo posoccidental (LA NACIÓN)

Temer and Refugees in Brazil: Off the Mark (Americas Quarterly)

Post-Western World: How Emerging Powers are Remaking Global Order

Photo credit : Danish Siddiqui/Reuters

SOBRE

Oliver Stuenkel

Oliver Della Costa Stuenkel é analista político, autor, palestrante e professor na Escola de Relações Internacionais da Fundação Getúlio Vargas (FGV) em São Paulo. Ele também é pesquisador no Carnegie Endowment em Washington DC e no Instituto de Política Pública Global (GPPi) ​​em Berlim, e colunista do Estadão e da revista Americas Quarterly. Sua pesquisa concentra-se na geopolítica, nas potências emergentes, na política latino-americana e no papel do Brasil no mundo. Ele é o autor de vários livros sobre política internacional, como The BRICS and the Future of Global Order (Lexington) e Post-Western World: How emerging powers are remaking world order (Polity). Ele atualmente escreve um livro sobre a competição tecnológica entre a China e os Estados Unidos.

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